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Lettre ouverte

à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale,

Jean-Michel Blanquer

 

Le 5 novembre 2017

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Monsieur le Ministre,

 

Loin de vouloir attiser conflits et polémiques, nous souhaitons éviter que la lutte au quotidien pour l’égalité entre les femmes et les hommes – idée louable en soi –  ne se transforme en erreur fatale pour notre société, toujours imprégnée par un idéal de clarté, d'intelligibilité, voire d'élégance : « ce qui se conçoit bien  s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».

Et cette erreur serait la propagation de l’écriture inclusive dans le quotidien des Français, et plus particulièrement dans le contexte de l’école, que ce soit dans un manuel scolaire, tel que l’ouvrage Magellan et Galilée Questionner le monde, destiné aux élèves de CE2 et publié en mars 2017 par Hatier (annexe 1), ou dans un récent document de rentrée émanant de l’Inspection Pédagogique à destination des enseignants de Lettres dans l’académie de Lyon (annexe 2).

Le Canada, autre grande nation francophone, s’est ainsi penché sur cette question de l’égalité entre les femmes et les hommes à travers le langage. Si l’on observe de près ce qui s’est passé dans la province de l’Ontario dans les années 90, on peut constater que l’écriture inclusive y était en usage. Leur réflexion a continué à s’enrichir des apports de leur expérience, et dès 2002 l’Office of Francophone Affair a publié un « Guide de rédaction non sexiste » dans lequel il préconise d’éviter la graphie inclusive, indiquant que


« Le recours aux parenthèses, points, barres obliques et traits d’union gêne la lisibilité et ne respecte pas la grammaire. » (voir annexe 3)

 

Cette présentation graphique semble d'ailleurs contre-productive au regard de l'égalité, puisque, plaçant le masculin en premier, au contact de la racine, elle le fait toujours "l'emporter sur le féminin", relégué et isolé par un point.

En 2004 L’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario, dans son guide « Féminisation des documents en français », nourri des préconisations précédentes, précise en outre que

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« L’usage intensif des doublets [s’il] rend effectivement les femmes plus visibles, ne leur garantit pas une représentation équitable. (…) Lire un texte français sur l’enseignement et les enseignants qui répéterait une enseignante ou un enseignant, une directrice ou un directeur d’école (…) reviendrait à lire un texte anglais sur la littérature précisant systématiquement author or authoress – une barrière à la lecture. »

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Pourquoi ne pas se servir de l’expérience et des conclusions du Canada qui a compris il y a 20 ans déjà l'impasse que représente l'écriture inclusive et a su la dépasser sans faire de concession sur l’égalité hommes/femmes? Avons-nous besoin nous aussi de tester une catastrophe annoncée ?

Notre auguste Institution qu’est l’Académie française nous l’a rappelé le 26 octobre 2017,

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« La démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques que [l’écriture inclusive] induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait encore plus celle des lecteurs. »

 

Les résultats de tests le montrent : nos élèves sont déjà en décrochage par rapport à la lecture standard. La maîtrise de la langue à l’école élémentaire ainsi que le principe de plaisir lié à la lecture sont des priorités absolues. Retrouver de la sérénité à l’école, tant au niveau des élèves qu’à celui du corps enseignant, mais aussi dans la société, est également une priorité. Mais comment être une nation « une » si la langue nous divise jusqu’au cœur de sa graphie ? La langue doit être l’outil de ce qui rassemble les citoyens par-delà leurs différences. C’est en maîtrisant cette langue, en cultivant l’amour pour sa beauté et sa complexité que nous formerons des citoyens avertis, dont l’esprit saura pleinement s’emparer de ce combat légitime pour l’égalité. Ne laissons pas les préoccupations bassement mercantiles de quelques éditeurs et communicants compromettre cela.

 

Aussi, Monsieur le Ministre, nous venons, respectueusement mais avec conviction, vous demander de réaffirmer le libre choix de l’écriture classique ou avec doublets masculin-féminin qui rend lisible les textes et réaffirme la place des femmes sans alourdir la lecture,

de réaffirmer votre confiance dans les professionnels que sont les enseignants pour faire avancer la cause de l’égalité sans intrusion ni pression idéologique de la part d’une hiérarchie pédagogique,

et de faire retirer ce manuel Hatier, ainsi que toute velléité semblable d’intrusion de l’écriture inclusive dans les manuels scolaires.

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Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

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L’association Collectif-Condorcet

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Avec le soutien de :

  • L’association Les Immortels

  • L’ARELACler (Association Régionale des Enseignants de Langues Anciennes de l’Académie de Clermont-Ferrand)

  • Le groupe « Zimmortels et Zirréductibles contre la réforme 2016 »

  • L’association RE (Reconstruire l’Ecole)


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